Jacques TRUPHEMUS

 

Jacques Truphémus est né le 25 octobre 1922 à Grenoble. Dès son plus jeune âge, il fréquente le musée de Grenoble, alors un des rares à exposer une collection moderne où il est fortement marqué par les œuvres de Pierre Bonnard, Henri Matisse, Corot, Manet, Daumier, Delacroix…il réalise ses premières peintures en 1937 encouragées par son père et le conservateur Andry-Farcy.

En 1941, il part pour Lyon et entre à l’Ecole des Beaux-Arts.Il y rencontre André Cottavoz et Jean Fusaro, Pierre Coquet, Paul-Philibert Charrin et Hélène Mouriquand. Il réalise ses premières toiles sur Lyon.

La guerre, la maladie, obligeront Truphémus à interrompre ses études en 1943. Il les reprendra avec ses amis après la libération. Sous le nom de « Sanzistes », par esprit d’indépendance et par opposition avec les mouvements en « isme», ils exposeront ensemble à la Chapelle du lycée Ampère.Ils sont tous admirateurs de Bonnard.                                                                                                                                                                                   

En 1947, le jeune peintre part pour la capitale. Il dessine de jour à la Grande Chaumière et travaille le soir comme veilleur de nuit. Tout cela l’amènera à l’hôpital, épuisé. Il décide alors de revenir à Lyon, sa ville de cœur.

En 1948, il est nommé sociétaire au salon du Sud-Est, mais continue à vivre dans une grande précarité. Malgré cela il a « toujours su garder foi en sa peinture ».

En décembre 1950, il épouse Aimée Laurens originaire du Vigan dans les Cévennes. A cette époque, Jacques travaille en usine mais peint le soir, le dimanche. Il expose à la Galerie des Jacobins à Lyon avec Cottavoz, Fusaro et d’autres jeunes peintres.

En 1955, Truphémus reçoit les encouragements du critique d’art lyonnais Marius Mermillon, et prend possession d’un atelier rue Clotilde Bizolon précédemment celui du peintre Morillon qu’il gardera jusqu’à sa mort.

En 1956, il rencontre le docteur Jacques Miguet lors d’une exposition à Annecy, qui lui propose d’exposer à Douvaine dès 1958.

Puis suivront des expositions au musée des Granges de Servette : 1963, 1965 et  1971 : 10 ans de peinture)… Truphémus lui fera rencontrer ses amis : Cottavoz, Fusaro et Philibert Charrin. Une grande amitié liera les deux hommes, ils effectuent ensemble des voyages en Italie, Truphémus sera souvent présent lors des vernissages des Granges de Servette et passera pendant de nombreuses années, la soirée du réveillon à Douvaine dans la famille Miguet. Jacques Truphémus sera l’initiateur de l’exposition « Les peintres ses amis » organisée à Annecy en 1988, rendant hommage à Jacques Miguet.     

En 1957, Il obtient le prix de la jeune peinture méditerranéenne à Nice. Il expose au Musée du vieil Yvoire.

1959, Truphémus expose à Annecy, et à Genève. Le tableau « La petite place à Lyon» est acquise par le (MAH) musée de Genève. Le Musée d’Annecy achète la toile « Place Bellecour » et l’Etat « Le Rhône », actuellement exposé au Consulat général de France à Genève.

1960, il multiplie les voyages, Collioure, Honfleur, Venise, Nice, Chambéry, il peint essentiellement des paysages.   

1970, Voyage au Japon, ce séjour suscite un changement dans son travail, avec un allégement de la matière. Des années 70 aux années 80 s’inspire abondamment de la ville de Lyon Ce sera le Lyon des cafés avec des atmosphères brumeuses, ainsi que des thèmes plus intimistes comme les natures mortes et les intérieurs d’atelier.                                                                

En 1982, réalise la décoration du restaurant Henry à Lyon, 8 grandes peintures sur le thème de Lyon, ces œuvres sont maintenant propriété du Musée Paul Dini de Villefranche.

En 1986, il rencontre le peintre Balthus, qui le considérait comme l’un des plus grands peintres français.Exposition au Musée des Beaux-arts de Lyon

En 1990, le galeriste Claude Bernard de Paris, le contacte et lui propose d’exposer dans sa galerie, il s’occupera de son œuvre jusqu’à sa mort.

Depuis les années 50, l‘artiste passe ses étés dans la maison familiale du Vigan à l’écart du village, mais ce n’est que vers les années 90 qu’il parvient à assimiler la lumière méridionale et à la traduire sur la toile. Dans son atelier à l’abri des regards,  il s’inspire de la lumière du lieu, de  la végétation sauvage et envahissante, sa palette est plus colorée éclatante. Le silence, la contemplation, ont peu à peu infiltré son cœur et changer le regard du peintre.

En 2000, décès d’Aimée. Dans les années 2000, les couleurs vibrantes conjuguées à de grandes réserves de blanc créent une harmonie singulière, il joue aussi avec la combinaison du fini et de l’inachevé.  

A la fin de sa vie les expositions hommages se multiplient : en 2009, inauguration de la Place Jacques Truphémus à Mornant, en 2011 : exposition au Plateau espace d’exposition du Conseil régional Rhône Alpes, …en 2017 Exposition à Yerres et au musée Hébert de la Tronche.

Par sa modestie, sa gentillesse, sa grande humanité, en cherchant sans cesse l’essence de la peinture, et en restant à l’écart des excès médiatiques, Jacques Truphémus est devenu magicien.

Jacques Truphémus nous a quitté, le 8 septembre 2017 dernier, à près de 95 ans.

 

L’un des caractères de force de l’oeuvre de Truphémus tient à ce qu’en marge du clinquant des modes éphémères, Truphémus a su au long des années s’identifier lui-même et parvenir à la maîtrise de son registre personnel dont l’étendue est en profondeur. Cette démarche aboutit à une subtile réussite qui consiste en ce que la nature de l’homme et celle de l’oeuvre soient identiques …
L’écriture n’explique rien de la peinture. Toutefois, je serais volontiers tenté de dire que celle de Truphémus est faite pour les « sommets de l’âme ». Aucun doute qu’il soit tout autant poète que peintre, ce qu’on remarque chez les plus grands; et il n’est pas fortuit que devant cette oeuvre il s’établisse tout naturellement dans notre esprit un parallèle émotionnel qui a pour références Verlaine, Baudelaire, Corbière ou n’importe quel autre de ces inspirés.
C’est que les toiles de Truphémus sont »parlantes » ou plutôt « murmurantes », et qu’au delà de leur science technique, d’un surprenant raffinement, leur richesse réside dans leur contenu dont la troublante complexité s’échelonne en infinies nuances d’une espèce de désincarnation onirique jusqu’à une sensualité frémissante.
Sachons voir. Rien de ce que nous propose Truphémus n’est vide de sens. Rien chez lui de gratuit. Rien de virtuose. Derrière l’apparence anecdotique se dissimule chaque fois une profonde et sensible gravité, entre autres celle du temps qui nous échappe, ce presque tragique de nous savoir voués à l’incapacité d’immobiliser pour en jouir encore les instants d’émotions fugaces. Il y a chez lui de « l’instantanéiste ». C’est d’un insaisissable qu’il nous parle. C’est l’infixable que, comme par gageure, il réussit à fixer au travers d’images de personnages indéfinis que le temps semble toujours vouloir pousser hors de la toile, ou de sensations de couleurs ou d’atmosphères que nous avons tous ressenties, mais que nous savons indescriptibles et qui font partie du plus secret de l’excellence de nous-mêmes.
Que ce talent soit en mesure de traduire par le maniement de la matière ce que nous ne pouvons retenir que par la mémoire, cet impalpable, voilà qui fait que dans son extrême discrétion cette oeuvre est unique ­ et qu’il convient de la situer comme telle.

Louis Calaferte