Erich SCHMID

 

Erich Schmid est né à Vienne en 1908, dans une famille bourgeoise. En 1930, il obtient un diplôme de psychologie à l’université de Vienne. La médecine, la psychologie, la psychiatrie sont au cœur de ses réflexions. Il s’intéresse aux travaux de Sigmund Freud, Karl Gustav Jung et Albert Adler. Dans ce cadre, il rencontre Wilhelm Reich  collaborateur de Freud qui devient son analyste. 

Venu à la peinture tardivement, il fréquente l’école des Beaux-Arts de Vienne, puis la réputée école des arts appliqués où il se lie à George Csato et Eva Mendel.

En 1935-1937, il expose à Vienne aux Beaux-Arts, présente quelques peintures à la Sécession, rencontre les artistes Kubin, Bohler et le grand Oscar Kokoschka. Erich participe à la vie culturelle brillante, de cette intelligentsia appartenant à la Mitteleuropa qui se retrouve dans les cafés du centre de Vienne.

En 1938, «l’Anschluss», la vie heureuse et insouciante d’Erich Schmid prend fin. Brutalement il perd tout jusqu’au droit de vivre. Étiqueté peintre dégénéré, il quitte l’Autriche définitivement : « On ne revient jamais dans un pays qui vous a chassé »

Il se réfugie d’abord en Belgique avec sa sœur Gerta, où il retrouve des amis dont Hans Maier, écrivain et essayiste qui se fera appeler plus tard Jean Améry. Ses parents et son jeune frère sont déportés et assassinés à Auschwitz. Erich n’apprendra leur sort qu’en 1945. Devant l’avancée allemande, il se réfugie à Bruxelles, puis à Paris.

Il est arrêté en tant qu’ennemi étranger et interné au camp de Gurs avec Hans Maier pendant 2 ans où avec d’autres artistes il continue de dessiner et peindre, participant à la vie artistique qui se développe dans le camp. En 1943, il est transféré à la maison des Roches près du Chambon sur Lignon, où il échappera à une rafle le 29 juin 1943. Hans Maier est déporté à Auschwitz, après avoir été longtemps torturé au fort de Breendonk. Erich Schmid rejoint le maquis, intègre les FFI, participe à la libération de Lyon, puis s’engage dans la légion étrangère jusqu’à la fin de la guerre.

Démobilisé, fin 1945 il arrive à Paris, prêt à se mettre à nouveau à la peinture, un emploi de gardien à l’académie Montmartre, lui permet de survivre. En 1947, il rencontre une jeune peintre allemande, Erika Friedman survivante des camps. Ils conjuguent leur misère et vont vivre au 5 rue Rollin dans une chambre mansardée située dans une résidence pour réfugiés juifs qui lui sert aussi d’atelier et qu’il occupera jusqu’à sa mort. Erika meurt d’une tumeur au cerveau en 1954.

La peinture abstraite est reine à cette époque. Erich écrit « Tout ce qui n’était pas plastique convenait parfaitement à mon état assez misérable »

En 1949, il expose au salon des réalités nouvelles, il se retrouve devant des centaines de toiles, dont la sienne qui lui semble toutes similaires. Il en éprouve un sentiment d’insincérité.

« A ce moment je sus que ma peinture devait être un acte réparateur, c’est à dire reconstruction sous forme imagée d’une réalité niée, ou plutôt anesthésiée, privée de son impact affectif. »  Erich Schmid se réconcilie avec les deux directions de l’art, l’abstraction et la figuration, les fusionnent.

Ses meilleures toiles, lui semble-t-il, donnent un sentiment de joie dans l’adversité.

Il retrouve ses amis viennois, George Csato et Eva Miller.

1958 : rencontre avec Gail Singer, peintre abstrait américain proche du groupe Cobra, avec laquelle il établit une relation durable. Il voyage chaque année en Grande Bretagne où vit sa sœur, et en Belgique où il retrouve son ami l’écrivain Jean Améry.

Il rencontre un groupe de peintres lyonnais, qui l’apprécient beaucoup et le font exposer à la Galerie St Georges de Lyon tenue par Denise Mermillon, et aux Granges de Servette. Il devient ami avec Truphémus,  Fusaro, Philibert Charrin ainsi que Cottavoz, qui l’introduira auprès de Jacques Zeitoun directeur artistique de la galerie «Art Vivant » puis de la galerie « Kriegel »  qui s’occupera de son œuvre pratiquement jusqu’à sa mort.

En 1960, il expose pour la première fois au musée des Granges de Servette, il séjourne et peint sur place, comme cette vue de l’église de Douvaine.

Les villes prédominent dans l’œuvre d’Erich, Paris et d’autres imaginaires. Elles sont floues, indistinctes, proches de la non-objectivité. Des rues et des places désertes ou personne n’habite sauf la solitude humaine. Parfois un cortège compact, isolé, composé de personnages serrés les uns contre les autres, manifeste dans un poignant sentiment d’insécurité.

Il réalise beaucoup de natures mortes, sévères et sombres, dans des tons sourds. Elles vous parlent de la faim et de la gêne. Ce n’est pas le reflet d’une vie heureuse.

Le public ne manifeste pas un grand intérêt pour une œuvre à contre-courant. Seuls quelques amateurs seront des acheteurs fidèles, lui permettant de survivre. Erich ne fait rien pour s’imposer. Un blocage vis-à-vis des exigences de la lutte pour la vie semble avoir un rôle fatal.  Inconnu du public, il a cependant la reconnaissance des peintres qui le considèrent comme un grand parmi eux.

Dès 1975, Erich vit une nouvelle période difficile, la lente dégradation de l’état de santé de son amie le marque profondément.

En 1978, suicide de son ami Jean Amery « Quand on a été torturé, on reste torturé toute sa vie »

En 1982 Le conseil départemental de la Haute Savoie acquiert 7 toiles et 8 pastels par l’intermédiaire de Jacques Miguet, avec lequel a lié des liens étroits, séjournant dans sa maison avec Gail lors de ses expositions à Douvaine.

Puis en 1983 survient la mort de Gail Singer

Le 30 décembre1984 Erich Schmid, meurt seul. Il repose au cimetière du Père Lachaise.

« Devant le mystère qui est au cœur de la peinture de Schmid, il me vient d’abord un sentiment de respect qui demande le silence. Car c’est dans le silence que sa peinture nous atteint ». Jacques Truphémus

« Schmid est le peintre le plus émouvant que je connaisse. Je ne suis jamais resté indifférent devant le sujet qu’il traduit. Chaque toile est une émotion difficile à contenir : les larmes du ventre.»  Fusaro

« Erich Schmid, cet imaginaire-objectif. » Philibert-Charrin

Suite à sa mort, une association « les amis d’Erich Schmid », composée entre autres de Jacques Truphémus, élabore une monographie « Erich Schmid », financée par la vente d’œuvres d’artistes de ses amis.

Erich Schmid a réalisé toute son œuvre au 5 rue Rollin à Paris, dans une mansarde sans confort, chichement éclairée par une étroite fenêtre poussiéreuse. Témoignage d’un visiteur :

 « Le local est dans un état d’abandon prolongé. Le mobilier est rudimentaire : un lit défait à droite en entrant, une valise dessous. Une table-établi recouverte de peinture sèche supportant une toile appuyée contre le mur. Sur le sol du matériel de peintre épars. Il règne une odeur persistante d’huile et de térébenthine. Sur les étagères, quantité d’ouvrages techniques de psychologie, psychiatrie, neurologie, mais aussi des verres et des alcools.

On frappe à la porte. Elle s’entrouvre « Chers amis, quel plaisir ! Veuillez patienter quelques instants. La porte se ferme. Elle s’ouvre à nouveau, et Erich apparait, veste, chemise, cravate. Il vous accueille avec une courtoisie d’un autre âge. On oublie l’environnement. C’est un homme maigre que sa silhouette juvénile, son abondante chevelure, son sourire enfantin, font paraitre plus jeune. Puis on découvre le teint gris, les traits aigus dans un visage d’intellectuel. Il vous offre un cognac, alcool inattendu dans la pauvreté ambiante. Sa conversation est celle d’un homme doté d’un surprenant savoir théorique, d’une solide culture philosophique et littéraire, et d’une grande indépendance d’esprit.

 
EXPOSITIONS

1951   Galerie Michel Grandier – Paris
1957   Galerie Mariac –
1960 à 1979    Galerie St Georges (et en 1983 avec la Galerie K)
1961   Galerie Art Vivant – Paris
1965   Mendel Art Gallery – Saskatoon (Canada)
1960, 1963, 1974, 1978     Granges de Servette, Douvaine, Haute-Savoie
1968, 1972, 1975, 1977     Galerie Kriegel – Paris
1971   Galerie le Creuste – Bruxelles
1971   Galerie La Drille – Toulouse
1974   Esperanto Gallery – New York
1975   Galerie Kintz – Bruxelles
1978   Galerie Nathalie Norrabat – Paris
1981   « Le Roi des Aulnes » – Paris
1984   Galerie Claude Hémery – Paris
1995   Galerie Guénégaud – Paris
2008   Espace d’Art Contemporain Les Roches du 8 Mai au 8 Juin, Le Chambon sur Lignon.

Ses oeuvres figurent dans de nombreuses collections particulières, notamment à la Fondation Fred Mendel – Saskatoon (Canada)

 

« Regardez: Capitales, nos capitales, étrangères, abandonnées sous des cieux crépusculaires aux couleurs de sanie: Vienne, Paris, Bruxelles, lieux de ces éternelles errances, traversées en somnambule.
Villes aux façades griffées par d’anonymes mains.
Couples tremblants, fuyants sous des matins privés d’aube, hésitants aux portes d’églises définitivement closes.
Bouteilles dématées au creux de la main qui se tend vers le verre, dernier refuge du dernier désespoir et puis l’Homme, seul, éternellement seul, égaré, humilié.

Ignoré de tous ou presque de son vivant, Schmid, ultime témoin sans doute de cette « Mitropa » qui pendant près d’un demi-siècle aura brillé de tant de feux et qui bientôt va disparaitre, poursuivra une aventure absolument unique dans une époque devenue veuve de toute appartenance amoureuse et sensible. Pourtant hautement averti des spéculations de l’esprit, scientifique de formation, il va volontairement tourner le dos aux diktats de nos penseurs asthéniques et primaires, au « concept » toujours bien en cour aujourd’hui et se situera définitivement dans le domaine de la « cénesthésie », dans celui de la pure sensation.C’est lui qui nous aura redonné dans un temps de désarroi et de déraison le goût du pain et du vin, qui nous aura réappris que le rouge c’est notre sang, le noir la nuit protectrice ou peureuse et que nos sentiments sont le meilleur de nous-même. Son regard, véritable speculum, sera le révélateur d’une réalité terriblement lucide qui deviendra le ciment indestructible d’une mémoire contenant toutes les images rencontrées au cours de l’infini de ses parcours.

Pourtant nulle revendication chez lui, nulle révolte, pas le moindre jugement mais l’acceptation tranquille de l’inévitable constat quant à notre humaine condition:
                                    « La vie est ainsi » semble-t-il nous dire,
Car dans sa résistance hautement passive, Erich Schmid savait que le monde est imparfait, qu’il n’est ni tout blanc ni tout noir et qu’au bout du compte, il n’y aura ni vainqueur ni vaincu mais que chaque instant ici-bas mérite d’être vécu au plus haut de notre dignité »

Michel Aubert, Avril-Mai 2001

BIBLIOGRAPHIE

–      ‘Eric Schmid’ de J. Zeitoun, C. Kowalski, B. Millet.

–      Figure dans le Dictionnaire des Peintres et Sculpteurs à Lyon aux XIX et XX siècles de Bernard Gouttenoire. Edition La Taillanderie

–      Ouvrage publié sur l’artiste (titre exact inconnu) en 1991, et disponible à la librairie Gallimard – 15, Boulevard Raspail, 75008 PARIS

–      Galerie Kriegel (Hg), Erich Schmid, exhibition catalogue, Paris 1972

–      Erich Schmid, Wien 1902 – Paris 1984 de Boecki/Widder – Widder Claudia et Roland (Ed) – Wienna 2002

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